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(Claude V. s'est pourvu en cassation le 14 mars 2006)

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ARRET RENDU PAR LA
COUR D'APPEL DE BORDEAUX

 

 

Le 12 décembre 2005

PREMIERE CHAMBRE SECTION B 

N° de rôle : 04/02671

Monsieur Claude V. c/

Madame Dominique SAINT-HILAIRE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le : aux avoués
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 Rendu par mise à disposition au greffe,
Le 12 décembre 2005 
Par Monsieur Louis MONTAMAT, Président.
en présence de Madame Armelle FRITZ. Greffier.

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, PREMIERE CHAMBRE SECTION B, a, dans l'affaire opposant :

Monsieur Claude V., né le 30 Septembre 1946 à VICHY (03), de nationalité française, écrivain, demeurant Jardin des Prophètes, 1382 rang 7, route rurale VALCOURT PQ/JOE 2LO (Canada),

Représenté par la S.C.P. Marc-Jean GAUTIER et Pierre FONROUGE, Avoués Associés à la Cour, et assisté de Maître Yazid BENMERIEM, Avocat au barreau de PARIS. substituant la S.C.P. FLORAND. Avocats Associés au barreau de PARIS.

Appelant d'un jugement rendu le 16 mars 2004 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel en date du 14 Avril 2004,

à:

Madame Dominique SAINT-HILAIRE, née le 21 Juillet 1950 à LES SABLES D'OLONNES (85), demeurant 9, rue du Cot 33185 LE HAILLAN.

Représentée par la S.C.P. Stéphan RIVEL et Patricia COMBEAUD Avoués Associés à la Cour, et assistée de Maître Daniel PICOTIN, Avocat au barreau de BORDEAUX.

Intimée,

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue, en audience publique le 26 Septembre 2005 devant :

Monsieur Louis MONTAMAT, Président,
Monsieur Pierre-Louis CRABOL, 
Conseiller, Monsieur Alain PREVOST, 
Conseiller, Madame Annelle FRITZ, Greffier,

Et qu'il en a été délibéré par les Magistrats du Siège ayant assisté aux débats :

 
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L'utilisateur de l' adresse électronique e.mail dsainthil@worldonline. fr. Monsieur Jean François Baure, compagnon de Madame Dominique SAINT HILAIRE, a le 17 DÉCEMBRE 2002, mis en ligne sur le forum de discussion "alt.religion.raelian" et "fr.soc.sectes", la retranscription intégrale de l'interview qu'avait donnée, lors d'une émission à la télévision canadienne animée par le joumaliste Paul ARCAND, le 30 OCTOBRE précédent, Madame Dominique SAINT HILAIRE.

Se considérant calomnié par la teneur des propos exprimés, Monsieur Claude V. - alias RAEL - fondateur du "Mouvement Raëlien", dont le zèle déployé sur les cinq continents a produit de nombreux prosélytes, intimement pénétrés des conceptions professées - a, par actes des 14 et 17 MARS 2003, engagé à l'encontre de Madame SAINT HILAIRE une action civile.

Celle-ci tendait à voir constater, comme constitutive du délit de diffamation. la diffusion sur les forums de discussion "alt.religion.raélian" et "fr.soc.sectes", les propos suivants par elle tenus :

1. "Je me suis rendue compte que c'était certainement une escroquerie et donc  même s'ils sont heureux, qu'ils sachent au moins dans quoi, ils sont",

2. "ben écoutez. il est parti à un moment où je pense qu'il y avait de petits contrôles fiscaux" ; j'ai l'impression donc que le fisc est après lui",

3. "Ah écoutez là, je ne .... Je ne sais pas  Je serais tentée de dire qu'il manipule. il y a eu un témoignage d'un de ses anciens amis, mais cela pourrait être aussi un délire".

 

Monsieur V. sollicitait en conséquence, la condamnation de Madame Dominique SAINT HILAIRE tant en sa qualité d'auteur, que de diffuseur des propos litigieux, à lui payer la somme de 30.000,00 Euros, en réparation du préjudice moral subi, et celle de 5.000,00 Euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

Le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX a par jugement contradictoire rendu le 16 MARS 2004 statué en ces tenues :

- Déclare recevable les conclusions et pièces signifiées par Madame SAINT HILAIRE le 7 JANVIER 2004,

 
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- Déboute Monsieur Claude V. de l'ensemble de ses demandes,

- Condamne Monsieur V. à verser à Madame Dominique SAINT HILAIRE une somme de 3.000,00 Euros à titre de dommages et intérêts.

- Condamne Monsieur V. à payer à Madame Dominique SAINT HILAIRE une somme de 1.500,00 Euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Monsieur V. étant également condamné aux dépens.

Au soutien de l'appel régulièrement déclaré par Monsieur V. celui-ci a sollicité l'infirmation du jugement querellé et la condamnation de l'intimée à lui payer 30.000,00 Euros en réparation de son préjudice moral et une indemnité de 6.000,00 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Aux termes de conclusions exhaustives (9 SEPTEMBRE 2005), la synthèse qu'il y a lieu d'en faire porte sur les points suivants :

- violation de l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

- violation de l'article 9 de cette même Convention.

- constatation certes du délit de diffamation, mais écarté à tort par une prétendue bonne foi de Madame SAINT HILAIRE,

- absence d'abus du droit d'ester en justice de l'appelant, alors que le Tribunal avait pourtant retenu les éléments constitutifs du délit.

Madame Dominique SAINT HILAIRE, par écritures du 24 JANVIER 2005, très analytiques, conclut à la confirmation du jugement entrepris, sauf à élever à la somme de 10.000,00 Euros le montant de sa demande reconventionnelle au titre de son préjudice moral et à voir porter à la somme de 5.000,00 Euros la réclamation par elle présentée. au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

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SUR CE, LA COUR :

Considérant que c'est à bon droit, et par une juste appréciation des éléments de la cause, non démentis par les débats devant la Cour et les pièces communiquées, que le premier juge a débouté Monsieur V. de sa procédure en diffamation ; qu'en cause d'appel il reprend les critiques déjà formulées et soumises - sauf en ce qui concerne l'article 9 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme - à l'examen du tribunal qui les a rejetées à la suite d'une motivation extrêmement circonstanciée, à laquelle la Course réfère expressément et qu'elle adopte en son entier ;

Que s'il est exact que Madame Dominique SAINT HILAIRE avait, devant le premier juge signifié ses dernières conclusions le 7 JANVIÉR 2004, soit la veille de l'ordonnance de clôture, alors que l'audience de plaidoirie était fixée au 5 FÉVRIER suivant, Monsieur V. pouvait déposer des conclusions d'incident de procédure tendant au rejet desdites écritures, mais aussi solliciter le rabat de l'ordonnance de clôture pour lui permettre d'exercer son droit de réponse ;

Que le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée Nationale, numéro 2468. mis en distribution le I0 JANVIER 1996, classe parmi les sectes en France les mouvements "ufologiques" - ](croyances en la pluralité des mondes habités et à la réalité des visiteurs de l'espace (extra-terrestres)] - comme le mouvement Raélien. mais que ce document dont il n'est point contesté qu'il n'a pas de vocation "juridique normative" ne porte pas entrave à l'article 9.1 de la Convention Éuropéenne des Droits de l'Homme qui pose comme principe supranational la liberté de religion, ce que n'est pas considéré être le mouvement Raélien ;

Considérant que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que les propos exprimés par Madame SAINT HILAIRE étaient constitutifs du délit de diffamation : que les termes employés suggèrent que des actes indélicats, contraires à la probité. des manoeuvres dolosives pourraient avoir été commis par Monsieur V. ; qu'en même temps que ceux-ci pourraient avoir une coloration pénale, ils portent assurément atteinte à son honneur et à sa réputation;

Mais que la présomption de mauvaise foi qui s'attache au diffamateur peut être combattue, indépendamment de l'exception de vérité, par la preuve apportée de faits justificatifs pouvant faire admettre sa bonne foi ;

 
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Qu'à cet égard. les critères cumulatifs. tirés de l'objectivité. de la prudence, de l'absence d'animosité personnelle et de la légitimité du but poursuivi, ceux permettant d'exclure sans ambiguïté l'intention de diffamer, ont été parfaitement analysés et retenus par le tribunal qui notait en outre que ces éléments qui n'étaient exclusivement applicables au journaliste pouvaient également être transposés au bénéfice de toute autre personne, attaquée du chef de diffamation ;

Qu'à son tour, la Cour observe que le rapport parlementaire, qui tire sa légitimité de la souveraineté populaire, auquel il a été fait référence est un document objectif, établi sans esprit partisan par des membres du Parlement, cherchant seulement, dans un souci de protection de l'ordre public des citoyens, à stigmatiser les mouvements - dont celui de Raël - susceptibles d'aliéner le libre arbitre de ses adhérents, attirés par une fragilité psychologique et une suggestibilité, au moins passagères

Que de même, un autre rapport établi par le Centre de Documentation d'éducation et d'action contre les manipulations, intitulé "Les Sectes, état d'urgence" édité par Albin Michel, étudie, décortique le mouvement Raélien dont la "religion trouve son expression privilégiée dans la pratique de la "méditation sensorielle" technique d'épanouissement révélée par les Élohim", ces "habitants d'une planète située à neuf milliards de kilomètres environ" (de la terre) et qui prône "la recherche du plaisir, par la satisfaction de tous les sens" ;

Qu'une attestation de Jérôme PROVOST du 23 MARS 2003 relate des démarches qu'il a entreprises et notamment le contact qu'il a eu courant 2001, avec Madame SAINT HILAIRE, ex-adepte raëlienne, "pour essayer de "comprendre comment quatre de ses cousins germains, [membres actifs au "sein du mouvement Raélien (reconnu comme secte dangereuse "par la Mission "Interministérielle de Lutte contre les Sectes") depuis 1976], avaient pu "être "manipulés" et embrigadés par leur gourou, Claude V., qui se fait "appeler Raël" ;

Que de même, Monsieur Laurent GUIGNARD rapporte, dans un écrit du 19 AVRIL 2003, que, membre du mouvement Raélien depuis 1990, il a progressivement pris conscience que "les valeurs raëliennes, exposées par son guide pour attirer tout nouveau converti à sa cause, "ne sont que de la poudre aux yeux et que l'intégralité des "messages" de Raël (qu'en dix ans, il n'a vu que cinq fois et à qui, il n'a parlé tout au plus que trois minutes) sont constitués d'un conglomérat de plagiats...." ;

 
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Qu'également, l' intimée justifie son comportement par les propos relatés par Monsieur CHEVALEYRE à Monsieur PROVOST dans une attestation manuscrite précisant que Raël qu'il connaît depuis de nombreuses années, lui avait confié que "ces histoires d'OVNI." et d' "Elohim" n'étaient pas vraies; que la procédure en diffamation intentée par Monsieur V. à l'encontre de ce dernier n'a pu prospérer, le Tribunal de Grande Instance de PARIS ayant, dans un jugement rendu le 14 MARS 2005, déclaré l'action de Monsieur V., irrecevable comme prescrite ;

Considérant de ce qui précède, que les phrases litigieuses émanant de Madame SAINT HILAIRE ne reflètent pas la vindicte de son auteur et sur le fond, recoupent les propos sus rapportés ; qu'en outre, ceux qu'elle a tenus sont l'expression, formulée sur un ton dépourvu de toute hostilité personnelle à l'égard de Monsieur V.. d'un cruel ressentiment et d'une amère déception de cette ancienne adepte qui, ayant pris la mesure du caractère matérialiste de ce mouvement, voué et dévoué exclusivement à la cause de son "Maître", a estimé comme légitime, à tout le moins normal, de livrer publiquement, à titre de conseil ou d'avertissement, certaines de ses impressions, tirées de sa désespérante aventure ;

Que le jugement accordant au profit de Madame SAINT HILAIRE, le bénéfice de sa bonne foi sera confirmé :

Considérant en revanche que l'usage, par Monsieur V., de la citation en diffamation ne saurait, comme l'a jugé à tort le premier juge, être assimilé à une atteinte à la liberté d'expression, sous peine alors de priver, quiconque, s'estimant diffamé, de cette voie de droit, pour obtenir réparation de l'atteinte à son honneur, à sa réputation, à sa considération, principes aussi respectables et dignes d'intérêt que la liberté d'expression ;

Que le jugement sur ce chef sera en conséquence réformé ;

Que l'équité commande d'allouer à Madame SAINT HILAIRE une indemnité au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
 
PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Déclare l'appel recevable, Le dit partiellement fondé,

Réforme le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur V. à payer à Madame SAINT HILAIRE des dommages et intérêts,

Déboute en conséquence celte dernière de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,

Confirme pour le surplus le jugement déféré, Y ajoutant :

Condamne Monsieur Claude V. à payer à Madame Dominique SAINT HILAIRE la somme de DEUX MILLE EUROS (2.000,00 Euros) par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, 
Condamne Monsieur VORILIHON aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la S.C.P. Stéphan RIVEL et Patricia COMBEAUD, Avoués Associés à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Signé par Monsieur Louis MONTAMAT, Président, et par Madame Armelle FRITZ, Greffière.